Alvinne: Cuvée Freddy

Notes de dégustation et quelques palabres de plus

Dégustation et exploration libre d’une bière cachant mal ses reflets modernes derrière sa belle robe traditionnelle.

Déguster Cuvée Freddy

Cuvée Freddy plonge dans le verre avec des accents acajou et brun foncé profonds. La mousse vivante et beige tranche et offre à voir une vivace réponse aux yeux du gouteur.

Sans même se rapprocher de la bête, des arômes fruités (cerises, baies) appellent les nasaux qui se plaignent de ne pas encore y être. A l’approche du calice, les fruits rouges se confirment et s’adjoignent l’aide des fruits secs. On y découvre des noix, noisette et, sublimement, de la figue qui brille comme un phare sur la Bretagne. Viennent alors colorer l’ensemble, le caramel et, plus brutalement, le sucre brun.

Ce nez gourmand titille la curiosité en offrant une malicieuse acidité lactique qu’on lui devine.

La marée de flaveurs engorge alors les sens. Mais la saturation due à la complexité laisse vite place à de nombreuses choses : des flaveurs de mûres, de cassis et de groseille à maquereau enveloppent rapidement le palais. Le melon bien mûr arrive alors à table, suivi du cortège boisé.

Car c’est ensuite l’embarriquage qui s’exprime avec ses notes tanniques et vineuses (vin rouge). L’acidité est modérée mais bien présente, conférant à l’ensemble des notes fruitées qui perdurent et allongent la finale.

La rondeur est rapidement contrecarrée par l’astringence tannique qui rince les papilles à chaque nouvelle attaque. La carbonatation de l’ensemble ajoute une certaine agressivité bienvenue à chaque gorgée, dont la puissance décroit à mesure que la dégustation s’étire dans les longs couloirs gustatifs de la Cuvée.

Enfin, les notes gourmandes, de caramel et de pain toasté viennent clôturer ce labyrinthe acide qui nous emmure dans ses nombreux délices. L’acidité qui ne se montre jamais excessive, poursuit pourtant son office en accentuant la sensation de sécheresse qui, dans ce dédale profond, invoque encore une nouvelle gorgée.

Rasséréné par tant d’équilibre, nous quitterons les lieux avec, en bouche, quelques notes terreuses, boisées et de caramel. Et avec la ferme impression qu’il nous faut explorer encore cette itération boisée de Sigma.

Merci Alvinne, pour cette bière prodigieuse. Freddy doit nécessairement être un type intéressant. Et Morphée nous a encore eus.

Sigma dans du bois … et bien plus que ça

Cuvée Freddy consiste en le résultat, probant, de la mise en barriques de Bordeaux de Sigma, sorte de Oud Bruin puissante, qui pourrait bien flirter avec l’appellation – froide et loin des trésors qu’elle offre – de « strong dark sour ».

Par l’embarriquage en tonneaux de vin rouge, Alvinne nous fait cadeau d’une bière aux accents vineux qui, par ses aspects boisé et tannique, nous embarque non loin d’une Oud Bruin – mais pas tout à fait là.

En un certain sens, Cuvée Freddy est proche du style, lui empruntant notes caramélisées et acidité poignante. Si une Oud Bruin fait parfois l’objet d’un embarriquage, il y a ici cette identité propre à la brasserie qui se marie magnifiquement avec l’ensemble initial : la levure Morpheus. Celle-ci prendra ses aises durant plusieurs mois, pour finalement tutoyer Sigma et nous offrir Freddy.

Le temps et ses soldats

Ce qui distingue plus que probablement Alvinne de la plupart des structures brassicoles, c’est Morpheus. Cet alliage sublime entre une souche de levure de fermentation haute (saccaromyces cerevisiae) et un cocktail de bacilles lactiques résulte d’une longue attente durant laquelle le Yeast Whisperer de la brasserie a cultivé et cherché ce qu’Alvinne utilise aujourd’hui en tant que levure maison.

Si Alvinne parvient à asseoir une réelle identité, c’est parce qu’elle nous offre des profils de fermentation complexes, combinés à des styles inédits (ou à tout le moins surprenants).

Et si l’histoire d’Alvinne vous intéresse, n’hésitez pas à découvrir l’interview de Glenn Castelain par le passionnant Breandán Kearney de Belgian Smaak.